vendredi 19 mars 2021

Lettre ouverte à Mme Catherine PAUTRAT, Présidente du Tribunal judiciaire de Nanterre

                                   

Nota : Parallèlement à sa publication en ligne, la lettre ci-dessous fut envoyée à la présidente du Tribunal de Nanterre par courrier postal. (Accusé de réception daté du 22/03/2021.) 
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                                                                            à 
                                                   Madame Catherine PAUTRAT, Présidente
                                                                    du Tribunal judiciaire de Nanterre
                                                                    179-191 avenue Joliot-Curie 
                                                                     92020 NANTERRE 

Le 18 mars 2021   

Objet : Lettre ouverte
Justice contre-nature - De la disculpation des chirurgiens coupables de fautes aggravées à la condamnation de leur victime (2002-2021)

Madame la Présidente

Je me permets de vous écrire pour dénoncer la façon inqualifiable dont j’ai été traitée à l’audience de la 18ème chambre correctionnelle du 4 mars dernier.
Deux semaines après, je suis encore sous le choc. Il n’est pas permis que qui que ce soit soit traité de la sorte, au sein d’un tribunal, a fortiori une victime qui souffre depuis 22 ans de ce que des chirurgiens irresponsables et criminels lui ont fait. 

Je venais (non accompagnée et sans avocat) dans le cadre de la fausse plainte pour « harcèlement »    (sic !) engagée par Bertrand BAUJAT, le chirurgien qui, le 9 mai 2000, avec l’aide de l’anesthésiste Catherine ROCCHICCIOLI et d’une infirmière, m’avait agressée dans la salle du bloc opératoire où l’on m’avait brancardée, et fait anesthésier de force, pour pouvoir m’opérer en dépit de mon refus catégorique et s’exercer ainsi, sur moi, à la chirurgie délicate et dangereuse de la décompression orbitaire osseuse. Les dommages corporels et fonctionnels, atterrants, qu’il a causés, et n’a jamais réparés, m’empêchent de vivre, depuis.

J’avais fait opposition à un premier jugement, rendu par défaut, par le tribunal de Nanterre, territorialement incompétent, fondé sur de fausses accusations elles-mêmes étayées par le mensonge frauduleux, la manipulation des faits et la fabrication de fausses preuves, sans que la citation à comparaître m’ait été délivrée par huissier ou les pièces justificatives communiquées…

Il me semblait que faire annuler un tel jugement serait une simple formalité. Je me trompais lourdement.

J’avais aussi récusé, pour cause de partialité manifeste, les magistrats qui avaient prononcé le jugement. Je ne me doutais pas que ceux qui les remplaceraient seraient encore plus partiaux et qu’ils voudraient, de surcroît, me faire payer le fait que j’avais récusé les précédents.

J’ai senti une hostilité palpable dès que je me suis présentée à l’huissier audiencier, un peu avant 13h30. Il m’a dit : « Ah, c’est vous, la… ! » sans terminer sa phrase, sur un ton de reproche, plein de mépris, que je ne pouvais pas expliquer puisque je ne l’avais jamais vu et ne lui avais jamais rien fait.

Quelques minutes plus tard, ce fut au tour de l’avocat du Dr BAUJAT de donner libre cours à son animosité à mon égard, lorsque je lui ai donné une copie de mon mémoire. La violence du ton sur lequel il m’a répondu a surpris le groupe d’étudiants en journalisme venus assister aux audiences, assis tout près.

A l’évidence, cette animosité générale faisait partie de la mise en scène. Elle visait à me déstabiliser dès avant l’examen du dossier. Puisque le dossier était vide, il fallait utiliser d’autres arguments, dont l’intimidation.

J’ai connu quelque deux heures de répit, le temps que les autres affaires soient jugées. Les choses se déroulant normalement, je me suis mise à espérer qu’elles se passeraient également normalement pour moi. Cependant, j’ai compris que ce ne serait pas le cas, et que j’étais en danger, lorsque l’huissier audiencier a demandé au groupe d’étudiants en journalisme de quitter la salle – juste avant que la plainte de Bertrand BAUJAT pour « harcèlement » ne soit examinée. J’avais échangé quelques mots avec eux et leur présence me rassurait. Mais, voilà ! L’audience, puis la lecture de la décision, censées être publiques, allaient se dérouler à huis-clos, juste pour moi, en violation des principes fondamentaux de la procédure pénale et de l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme.

Je me suis retrouvée seule, face à tous – prise au piège, comme un cerf aux abois – consternée par le spectacle de la Justice, devant moi. La métamorphose était saisissante. La dernière scène d’Animal Farm m’est revenue en mémoire. Je ne reconnaissais plus rien. Il n’y avait plus de frontière entre les fonctions, distinctes, de juges, de représentant du Ministère public, d’avocat du plaignant… Ils parlaient tous d’une même voix, affichant une totale cohésion entre eux et une même hostilité à mon égard. Les juges et le Ministère public s’était faits partie au procès. Il n’y avait plus personne pour dire le droit.

Le discours, aussi, perdait sa rationalité : on pouvait soutenir que deux choses différentes étaient en fait identiques, que mentir c’était dire la vérité ou qu’un même fait, qui n’était ni A, ni B, ni C, devenait, tour à tour, A, B ou C, et, même, les trois à la fois ; on séparait l’effet de sa cause et condamnait ou justifiait l’un sans tenir compte de l’autre… Et tous les repères étaient brouillés. Les catégories et les qualifications juridiques des personnes, des actes et des faits s’étaient inversées : la « victime » devenait « coupable » ; l’exercice, par elle, d’un droit fondamental, tel que dénoncer les préjudices qu’elle avait subis, porter plainte contre les auteurs, réclamer justice, lancer des alertes ou se défendre contre les attaques des chirurgiens, devenait « délit » ; la « violation des droits fondamentaux » devenait un « droit » et ceux qui avaient violé ces droits devenaient des « victimes ».

La fonction de la Justice n’était plus de révéler la vérité mais de faire obstruction à sa manifestation, par tous les moyens. Sa mission, ce n’était plus de protéger les victimes mais de les détruire, consciencieusement, et de protéger ceux qui leur avaient porté préjudice. Juger, ne consistait plus à sanctionner la commission, réelle, d’une infraction à la loi ; à vérifier le bien-fondé des accusations, à donner aux faits leur qualification exacte, à rectifier, aussi, les erreurs judiciaires passées à la lumière des avancées ou des révélations présentes… mais à fabriquer l’infraction en fonction de la sanction que l’on voulait infliger à la victime, transformée en délinquante pour les besoins de la cause. Et pour pouvoir me condamner pour harcèlement en l’absence de délit de harcèlement, on rebaptisait « harcèlement du Dr BAUJAT » des actes qui n’avaient rien à voir avec le harcèlement et ne concernaient pas M. BAUJAT, ni exclusivement, ni même principalement. À l’inverse, les termes de « dommages corporels », de « préjudices », d’« agression », d’ « anesthésie de force », de « non-respect du refus du patient », de « lourde invalidité », de « souffrances physiques insupportables »… ne furent jamais prononcés, comme si le drame humain auxquels ils renvoyaient n’avait jamais existé.

Le Président ne m’a pas laissé relever toutes les exceptions de nullité in limine litis.

Il a évacué l’exception d’incompétence de trois mots et celle de la caducité du jugement par défaut, non notifié dans les six mois, d’un geste, après avoir consulté l’avocat KAGAN du regard. Les mensonges, manipulations des faits et autres faux intellectuels commis par l’avocat, qui avaient motivé le précédent jugement, dont les juges avaient les preuves sous les yeux et qui constituaient une autre cause de nullité, ne suscitèrent aucune réaction ou commentaire de la part du Président, pas plus que le fait qu’il ait porté gravement atteinte à ma liberté d’expression, et détruit près de 10 ans de travail, en faisant supprimer, début juillet 2018, les blogs-témoignages qui avaient survécu aux suppressions massives de 2009 et 2010. L’avocat les a fait supprimer sans plainte préalable ou décision de justice, en faisant pression directement sur les hébergeurs, m’accusant d’un délit qui n’existe pas, celui de « harcèlement par diffusion de propos diffamatoires » !

Puis, sans pouvoir poursuivre, je fus sommée de reconnaître les actes de harcèlement dont j’étais accusée, et interrompue chaque fois que j’ai voulu expliquer qu’il ne s’agissait ni de harcèlement, ni de Bertrand BAUJAT, mais du drame, terrible, de ma vie, et que je ne parlais de chaque acteur du drame que pour ce qui le concernait, directement ; et qu’il se trouvait que Bertrand BAUJAT était, de loin, celui dont il était le moins question dans mes blogs.

Selon la Substitute de la Procureure, je n’aurais pas le droit de remettre en cause les décisions de justice, après si longtemps, même si elles furent obtenues par la fraude et le détournement de la justice ; même si les chirurgiens ont ruiné ma santé et brisé ma vie ; même s’ils n’ont réparé aucun des dommages qu’ils avaient causés et même si je ne peux plus endurer les souffrances qu’ils m’ont infligées.
Une question se pose, dans ce cas : à quoi sert la justice, si elle ne répare pas les préjudices subis par les victimes et si elle ne poursuit pas les auteurs d’infractions qui ont réussi à s’en tirer grâce à leurs relations et en corrompant les juges.
Une victime n’est pas liée par un pacte de corruption auquel elle n’a pris aucune part et qui s’exerce à ses dépens. En tout état de cause, la critique d’une décision juridictionnelle relèverait du délit d’outrage à la justice et ne peut servir à justifier une condamnation pour « harcèlement du Dr BAUJAT ».

Derrière les airs sévères et les postures de circonstance, il était cependant clair pour tout le monde que la plainte pour harcèlement n’était qu’un prétexte. Le véritable enjeu était ailleurs. Il fallait me condamner pour m’empêcher de continuer de dévoiler la vérité – afin de ne pas ternir l’image de la Justice parisienne qui, de 2002 à 2011, à l’occasion des procès en responsabilité médicale contre les chirurgiens, avait démontré sa totale dépendance et sa totale complaisance vis-à-vis de Nicolas SARKOZY, en disculpant ses amis et soutiens politiques, n’hésitant pas pour ce faire à sacrifier la vie et la santé de leur malheureuse victime, qui s’était tournée vers la Justice en désespoir de causepensant qu’elle obligerait au moins les chirurgiens à réparer les dommages qu’ils avaient causés et refusaient de réparer.

En janvier 2018, dans son discours de rentrée judiciaire, Mme Catherine DENIS, Procureure de Nanterre, s’était exprimée en ces termes :

« la justice ne fait plus peur, n'est plus crainte et n'est plus respectée. »
(
Le Parisien, 12/01/2018)

La Justice que j’ai vue en action, le 4 mars dernier, dans votre tribunal, fait peur ! Non pas cette peur intellectuelle, faite de respect et d’admiration que l’on ressent à l'égard d'une autorité légitime, dont on comprend et approuve les décisions parce qu'elles sont toujours sages et fondées, et que l’on ne veut pas décevoir ; mais cette peur panique que l’on ressent face à l’arbitraire, lorsque l’on prend conscience que l’on est sans aucune protection et que le pire, et seulement le pire, peut arriver. Contrairement à la première, cette peur-là ne peut jamais entraîner l’adhésion de la personne chez qui elle se manifeste. Elle ne peut induire que la soumission impuissante ou la rébellion désespérée ! C’est de cette peur-là dont parle le magistrat Georges DOMERGUE dans une interview de 2018. (Voir ci-dessous.) 

Si les étudiants en journalisme étaient restés dans la salle, les choses se seraient sans doute passées autrement. Et c'est précisément pour qu’elles puissent se passer comme elles se sont passées que l'huissier audiencier leur a demandé de partir. Très peu de gens se comportent de la même façon selon qu’ils sont vus ou qu’ils ne le sont pas. Dans un grand nombre de cas, le regard de l’autre est un garde-fou salutaire. À l’inverse, l’assurance que l’on ne sera pas vu, et donc pas jugé sur nos actes, ni sanctionné, peut métamorphoser les êtres, et, à l’évidence, ce n’est jamais dans le bon sens. Vraisemblablement, si les chirurgiens avaient pu prévoir que la vérité finirait quand même par éclater, ils auraient réfléchi à deux fois avant de perpétrer leurs actes odieux et je ne serais pas multi-invalide, aujourd’hui, depuis 22 ans. Et la même chose vaut pour tous ceux qui ont aidé à les disculper et tous ceux qui ont couvert ces derniers, et ceux qui les couvrent, depuis. Peut-être que M. SARKOZY se serait abstenu de leur donner, à eux aussi, un « coup de pouce » ; que les experts ne se seraient pas livrés à des expertises frauduleuses ; que les juges auraient fait normalement leur travail… Hélas pour moi ! Grisés par le succès, ils étaient tous persuadés qu'ils étaient intouchables et qu'ils pouvaient donc tout se permettre. 

Cependant, la justice est une fin en soiCe n’est pas une option que les auteurs d’un dommage pourraient refuser de prendre, pour pouvoir continuer à mentir tranquillement à leurs proches ou à leurs pairs sur ce qu'ils sont ou sont capables de faire ; et nous avons tous droit à la justice. La part qui revient aux victimes ne peut pas leur être confisquée et reversée à leurs bourreaux… pour qu’ils puissent… échapper à la justice !
La justice est aussi la même pour tous. La même sanction s’applique à une même infraction, quel qu’en soit l’auteur. Les fautes médicales aggravées, les actes d’atteinte à l’intégrité physique ayant entraîné des infirmités permanentes, les abus de confiance, l’atteinte à la liberté d’expression, les menaces et tentatives d’intimidation, le harcèlement en bande organisée, la corruption, le trafic d’influence… ne sont pas des délits moins graves parce qu’ils furent commis par des chirurgiens protégés en haut-lieu ou par des magistrats. Au contraire ! Entre 2007 et 2012, M. SARKOZY était président de la République et, en tant que tel, le garant constitutionnel de l’indépendance de l'autorité judiciaire. Aux délits commis par ses amis, s’ajoute ceux qu’il a commis lui-même en faisant détourner le service public de la justice pour servir des intérêts privés. Quant aux juges qui ont disculpé les chirurgiens, leur faute est plus grave que celle du juge AZIBERT. Lui, n’a brisé la vie de personne, n’a pas offert l’impunité à des chirurgiens qui auraient dû être sanctionnés par des peines de prison ferme, ni ne les a dispensés de réparer les dommages qu’ils avaient causés et qui, faute de soins, en ont causé d’autres, tout aussi graves et irréversibles, et encore plus invalidants. 

J’avais fait le pari que la justice finirait par triompher. En effet, il faut la complicité de tous, et de chaque nouvel arrivant, pour continuer de couvrir les chirurgiens et les juges qui les ont disculpés alors qu’il suffit d’un seul juge courageux et normalement intègre pour envoyer un bon coup de pied dans la fourmilière et rétablir la justice. Il semble que je me sois trompée également sur ce point. En tout cas, un tel juge ne s’est pas encore présenté. Cela en dit long sur l’état de notre justice, en 2021. Elle est dans un plus triste état encore que l’armée à la fin du 19ème siècle : il avait fallu seulement 3 ans après la première condamnation de DREYFUS pour que le lieutenant-colonel PICQUART s’indigne de l'injustice qui lui avait été faite et rassemble les preuves qui allaient l’innocenter. Près de dix ans après l’arrêt de la Cour d’appel qui a disculpé les chirurgiens et 21 ans après que l’interne BAUJAT m’a rendue définitivement multi-invalide et vouée à l'enfer du handicap et de la souffrance physique, la Justice franchit un nouveau palier dans le mensonge, l’injustice et la barbarie en me condamnant à tout-va (TJ de Nanterre et Paris, Ordre des médecins). 

Le simulacre de justice auquel j’ai assisté, à mes dépens, le 4 mars dernier, montre que si, par malheur, la justice dysfonctionne à votre endroit, alors, il n’y a aucune limite à son dysfonctionnement. Des juges qui, en temps normal, font correctement leur travail, font montre de raison et d’humanité, ont des valeurs, signent des tribunes contre la corruption financière, sanctionnent sévèrement les atteintes à la personne et les préjudices corporels… se métamorphosent en rouages déshumanisés, conçus pour une seule fonction, en l’occurrence, tromper le public sur l’état de la Justice et son manque total d’indépendance par rapport à l’exécutif.

Cela fait plus de 22 ans que ma vie est entre parenthèses. Cela suffit. Il n’est humainement pas acceptable que mon calvaire dure une seule seconde de plus. Et il n’est pas acceptable que la Justice se comporte de la sorte, à l’égard de qui que ce soit, et encore moins à l’égard d’une victime.

C'est pourquoi, Madame la Présidente, je me permets de vous alerter sur les dysfonctionnements décrits ci-dessus, et demande qu’il y soit mis fin.

Veuillez agréer, Madame la Présidente, l’expression de ma considération distinguée.

Anne BUCHER

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https://www.youtube.com/watch?v=VvioXoPv31Y

Extrait de l’interview du magistrat Georges DOMERGUE (YouTube, avril 2018)

(20:50) « La justice tourne en rond. (…) Le système… on fait bouger une machine mais est-ce qu’elle produit quelque chose – de la justice ? Une vérité, de temps en temps. (…) Je vais vous parler d’une affaire dans laquelle je n’étais pas mais j’ai entendu les suites, les réactions de mes collègues de la Cour d’appel de Versailles, totalement horrifiés, que des dossiers vides, vides, en terme de preuves, franchissent toutes les étapes, de l’enquête, du contrôle de l’enquête par un magistrat du parquet, qui décide ou ne décide pas, mais, là, qui décide des poursuites, enfin, qui ouvre une instruction, en l’occurrence ; puis un juge d’instruction, qui est censé apporter un nouveau filtre, contrôler les conditions de commission d’une infraction ; contrôler la décision finale de renvoi ou de non renvoi devant une juridiction. Ensuite on voit arriver un tribunal qui est quand même là pour vérifier une nouvelle fois qu’il y a des preuves réelles… Et ça arrive devant la Cour d’appel et tout le monde se regarde et on se dit : "mais il n’y a rien dans ce dossier. Y a pas les éléments." Et l’un des avocats généraux (…), qui n’est pas du tout critique à l’égard de la justice d’une manière générale mais (…) il a dit : "Ça fait peur !" (…)
Il n’y a aucune protection intellectuelle, aucune rigueur. Dès lors que l’on a envie que quelque chose arrive, qu’on a le désir que quelqu’un comparaisse devant un tribunal, ça suffit à le faire arriver devant un tribunal. Et si le tribunal a envie qu’il soit condamné, ça peut suffire à le faire condamner. (…)
Donc, voilà : Ça fait peur ! (…) Donc, ça, c’est le système pénal français. C’est-à-dire qu’il tourne à vide. A la rigueur, on pourrait dire, comme on le disait à l’époque de l’affaire Dreyfus, quelqu’un le disait, pour dire que pas besoin de réviser le procès d’Alfred Dreyfus : "finalement, que Dreyfus soit coupable ou innocent, quelle importance ?" Ben oui ! Parce que les enjeux sont ailleurs, vous comprenez ? C’est l’image de l’armée, l’union nationale, etc. "Bon, écoutez, que Dreyfus soit innocent ou coupable…" Des phrases comme ça, on pourrait les dire tous les jours dans les tribunaux français. Eh, ben, oui ! Ça fait peur ! »
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Fanny BAUER-MOTTI
29 mars 2018
Le système judiciaire français sur le Divan, entretien avec le magistrat Georges Domergue (1 :03)

« La question se pose aujourd’hui. Compte tenu de la dégradation du système judiciaire, la question se pose de savoir si, aujourd’hui, on parviendrait à innocenter le capitaine DREYFUS. Je ne suis pas sûr qu’on obtiendrait ce résultat. Je pense qu’on est arrivé à un niveau de cynisme tel que le capitaine DREYFUS ou l’équivalent – son équivalent musulman, son équivalent de n’importe quelle origine – risquerait de rester coupable malgré son innocence. »